Il convient au préalable de combattre une idée reçue : l’Ordre des chirurgiens-dentistes n’a pas été créé par le régime de Vichy, mais par une ordonnance du 24 septembre 1945, signée par le Général de Gaulle en sa qualité de chef du gouvernement provisoire de la République française. La légalité de sa création est donc particulièrement incontestable.
Depuis la création de la profession de chirurgien-dentiste par la loi du 30 novembre 1892, les praticiens pouvaient exercer sous la seule condition d’avoir fait enregistrer leur diplôme à la Préfecture et au Greffe du Tribunal. L’absence de règles de moralité professionnelle avait entraîné une incontestable dérive commerciale de la profession, conduisant le législateur à instituer en 1945 un Ordre des chirurgiens-dentistes s’inspirant des mêmes principes que celui des médecins.
La mission légale de l’Ordre est de surveiller la moralité et la compétence de tous les praticiens (article L. 4121-2 du Code de santé publique, voir encadré page suivante).
Les attributions du conseil départemental, définies par l’article L. 4123-1 du Code de la santé publique, sont d’exercer, « dans le cadre départemental et sous le contrôle du conseil national, les attributions générales de l’Ordre, énumérées à l’article L. 4121-2 :
– il statue sur les inscriptions au tableau ;
– il autorise le président de l’Ordre à ester en justice, à accepter tous dons et legs à l’Ordre, à transiger ou compromettre, à consentir toutes aliénations ou hypothèques et à contracter tous emprunts ;
– il peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession médicale, y compris en cas de menaces ou de violences commises en raison de l’appartenance à l’une de ces professions.
– En aucun cas, il n’a à connaître des actes, des attitudes, des opinions politiques ou religieuses des membres de l’Ordre.
– Il peut créer avec les autres conseils départementaux de l’Ordre et sous le contrôle du conseil national, des organismes de coordination ».
Les missions essentielles
Trois missions essentielles incombent au Conseil départemental : la tenue du tableau, la vérification des contrats passés par les chirurgiens-dentistes et, le cas échéant, le contrôle de leurs conditions d’exercice et, enfin, la conciliation.
Établissement et tenue du tableau
Le conseil départemental prononce ou refuse l’inscription au tableau.
L’obligation de surveillance de l’Ordre peut en effet conduire celui-ci à refuser l’inscription d’un chirurgien-dentiste.
Traditionnellement, le refus devait être justifié par des faits graves et caractérisés mettant en cause la moralité ou l’indépendance du praticien, par exemple en cas de casier judiciaire révélant une ou plusieurs condamnations pour des faits graves (vol, escroquerie, coups et blessures volontaires…) ou lors de sanctions à plusieurs reprises sur le plan déontologique.
Depuis la loi dite Kouchner du 4 mars 2002, l’Ordre a également le devoir de surveiller la compétence du praticien. Ainsi, pourrait être rejetée la demande d’inscription d’un praticien qui n’a plus exercé depuis longtemps et n’a pas entretenu ses connaissances (cas de l’insuffisance professionnelle).
Par ailleurs, depuis un décret du 25 mars 2007 (n° 2007-434) modifiant l’article R.4112-2 du Code de santé publique, le conseil départemental peut aussi refuser l’inscription s’il est constaté, au vu d’un rapport d’expertise médicale établi par trois médecins spécialistes, une infirmité ou un état pathologique incompatible avec l’exercice de la profession.
Recours : le refus d’inscription constitue une décision administrative et non pas juridictionnelle, mais elle est, bien entendu, susceptible de recours. Ainsi, le chirurgien-dentiste dont l’inscription a été refusée a le droit de faire appel de cette décision (qui doit, en tout état de cause, être motivée) devant le conseil régional de l’Ordre.
Vérification des contrats passés, transmission des informations vérifiées et contrôle des conditions d’exercice
L’une des attributions essentielles du conseil départemental est d’examiner et de vérifier les contrats en rapport avec l’exercice de la profession que les praticiens ont l’obligation de lui communiquer (statuts de sociétés, contrat de vente de cabinet, contrat de collaboration à titre libéral ou salarié par exemple), en vue de s’assurer de leur conformité aux règles déontologiques et d’homologuer les conditions d’exercice de chacun (propriétaire, associé, collaborateur à titre libéral, salarié, etc.). Cet examen a lieu lors de chaque séance mensuelle du conseil départemental.
Le rôle du Conseil départemental a été accru par la mise en place du Répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS), qui est un référentiel opposable : les données enregistrées sont réputées fiables et tiennent lieu de pièces justificatives, par exemple auprès de la CPAM. Le Conseil départemental de l’Ordre est en effet le guichet unique pour l’inscription ou pour toute modification de l’activité professionnelle du chirurgien-dentiste, qu’il exerce à titre libéral ou salarié, ce qui conditionne notamment l’accès à la carte de professionnel de santé (CPS).
Le Conseil départemental peut également être conduit à contrôler les conditions d’exercice d’un confrère lorsque, par exemple, celui-ci fait l’objet d’une réclamation d’un patient à propos des conditions d’hygiène de son cabinet. Il désigne alors l’un de ses membres pour effectuer une diligence chez ce confrère afin d’examiner les points qui posent problème et l’aider si possible à retrouver un exercice conforme aux normes en vigueur (article R.4127-269 du Code de la santé publique).
Le même type de contrôle peut aussi être effectué pour vérifier la signalétique d’un cabinet (taille ou libellé des plaques, présence de logos ou autre) et sa conformité aux règles déontologiques. Le conseil départemental peut également vérifier la conformité du site internet d’un praticien avec la Charte établie par le conseil national et lui demander de le modifier, par exemple si ce site n’est pas seulement informatif mais aussi publicitaire. Lorsque le chirurgien-dentiste refuse de modifier ce qui n’est pas conforme aux règles déontologiques dans le contrat qu’il présente, dans la signalétique de son cabinet, ou encore sur son site internet, il peut faire l’objet d’une plainte disciplinaire de la part du conseil départemental, décidée en séance après débats par les membres du conseil.
Conciliation
Cette troisième mission essentielle consiste en la réunion des parties en cause dans le but d’apaiser (si c’est possible) le conflit existant entre eux.
Il existe trois hypothèses de tentative de conciliation.
En cas de réclamation d’un patient (et non de plainte) à l’encontre d’un praticien, le praticien concerné est tenu à une conciliation. En effet, l’article R.4127-233 du Code de la santé publique prévoit que le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s’oblige à se prêter à une tentative de conciliation qui lui serait demandée par le président du conseil départemental en cas de difficultés avec ce patient.
En cas de litige entre deux confrères, ces derniers doivent se soumettre à une tentative de conciliation devant le président du conseil départemental de l’Ordre, de façon à préserver la confraternité (article R.4127-259 du Code de la santé publique).
En cas de plainte d’un tiers (patient, confrère ou autre) contre un chirurgien-dentiste auprès du conseil départemental, et selon l’article L.4123-2 du Code de la santé publique, le président doit accuser réception de cette plainte à son auteur, en informer le chirurgien-dentiste mis en cause et les convoquer dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte à une tentative de conciliation au siège du conseil. En cas d’échec de celle-ci, le conseil départemental transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec son avis motivé dans un délai de trois mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte, en s’y associant le cas échéant.
Les tentatives de conciliation n’aboutissent pas toujours à une conciliation, mais beaucoup y réussissent et empêchent donc les conflits de s’envenimer et de porter atteinte à l’image de la profession.
Toutes ces missions sont indispensables à la bonne marche de la profession, mais requièrent beaucoup de temps et de travail de la part des conseillers élus du conseil départemental (10 conseillers titulaires et dix conseillers suppléants). Lorsqu’ils sont en activité professionnelle, ces missions ordinales s’effectuent souvent au détriment de leur cabinet personnel, et il faut s’en souvenir.
Article L. 4121-2 du Code de santé publique
« L’Ordre des chirurgiens-dentistes veille au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l’exercice de l’art dentaire et à l’observation par tous ses membres des devoirs professionnels ainsi que des règles édictées par le Code de déontologie (…). »
Commentaires